Par , publié le 4 avril 2023

Officiellement, il ne s’agit que d’une procédure “ordinaire”. Dans les faits, celle-ci ressemble fortement à une mesure de représailles. Vendredi, la puissante administration du cyberespace chinois a ouvert une enquête sur Micron, le premier fabricant américain de puces mémoires. Elle explique vouloir s’assurer que ses produits ne présentent pas des “risques de sécurité”, ouvrant potentiellement la voie à leur interdiction. Cette justification s’apparente cependant à un prétexte pour répliquer aux vastes sanctions imposées par les États-Unis à l’automne 2022, visant à limiter l’exportation vers la Chine de puces avancées et des équipements nécessaires à leur production. En décembre, Washington a aussi pris des mesures contre la société chinoise YMTC, rivale de Micron sur un segment du marché.

Chute du chiffre d’affaires – Les puces mémoires sont utilisées dans les smartphones, les ordinateurs, les data centers ou encore les voitures. Micron est le troisième acteur du marché, derrière les sud-coréens Samsung et SK Hynix. Mais toujours devant de nouveaux fabricants chinois. La Chine représente environ 11% de son chiffre d’affaires. Comme ses rivaux, le groupe traverse une période très difficile. Ces derniers mois, le secteur est en effet touché par une importante crise de surproduction. Celle-ci s’explique par la chute des ventes de produits électroniques, en raison de la montée de l’inflation et de la crainte d’une récession. Elle provoque une forte baisse de la demande et des prix des puces. Entre début décembre et fin février, le chiffre d’affaires de Micron a ainsi été divisé par deux.

Victime collatérale – La société américaine, qui promet de “coopérer pleinement” avec le régulateur chinois, fait figure de victime collatérale des tensions entre les États-Unis et la Chine. Par leur ampleur inédite, les dernières sanctions américaines ont entraîné une escalade importante. Déjà inquiété en 2018, Micron est une cible facile pour Pékin. Non seulement une potentielle interdiction à la vente de ses puces mémoires n’aurait pas d’impact sur les fabricants chinois de produits électroniques, qui n’auront aucun mal pour en acheter auprès d’autres fournisseurs. Mais elle bénéficierait aussi à ses rivaux chinois. Cette enquête, et les possibles sanctions qui en découleront, permettent ainsi à Pékin de lancer un message aux États-Unis et aux pays qui pourraient être tentés de s’aligner sur leur position.

Riposte – Les sanctions américaines constituent un coup d’arrêt brutal pour les ambitions chinoises, aussi bien pour accroître la production nationale de semi-conducteurs que pour monter en gamme. D’autant plus que les États-Unis ont réussi à convaincre les Pays-Bas et le Japon – abritant respectivement ASML et Tokyo Electric, qui conçoivent des machines essentielles pour graver des puces – de s’aligner en partie sur leurs restrictions. Face à ces sanctions, la Chine n’avait pas encore véritablement riposté. Certes, elle a bien saisi l’Organisation mondiale du Commerce fin 2022 mais cette démarche est vouée à rester symbolique. L’institution basée à Genève ne peut en effet pas condamner Washington, qui s’abrite derrière une volonté de protéger sa sécurité nationale.

Pour aller plus loin:
– Les Pays-Bas et le Japon s’alignent sur les sanctions américaines contre la Chine
– Pourquoi les profits de Samsung s’effondrent


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