Par , publié le 10 avril 2023

Dans la Silicon Valley, l’Arabie saoudite est un investisseur très actif… que l’on évite de mentionner, en particulier depuis l’assassinat, en 2018, du journaliste Jamal Khashoggi, qui aurait été commandité par le prince héritier Mohammed ben Salmane. La semaine dernière, une partie de ce secret bien gardé a cependant volé en éclats: le fonds étatique Sanabil a révélé avoir injecté de l’argent dans une quarantaine de fonds investissant dans des start-up. La liste, publiée sur son site Internet, inclut des noms très prestigieux, comme Andreessen Horowitz, Coatue, General Atlantic, Insight Partners ou encore 500 Startups. Elle inclut également l’accélérateur Techstars. Et quelques investissements directs dans des entreprises, comme le pionnier des trottinettes électriques Bird et la néobanque Varo.

Uber, WeWork, Snapchat… – Peu connu, Sanabil fait partie du Public Investment Fund (PIF), le fonds souverain d’Arabie saoudite, le sixième du monde avec plus de 600 milliards de dollars d’actifs. L’entité explique investir deux milliards de dollars par an, dont la moitié en capital-risque. Une somme assez modeste, mais qui ne représente qu’une petite partie des investissements saoudiens dans les nouvelles technologies. Ces dernières années, le PIF a en effet participé à de nombreuses levées de fonds. Il a notamment injecté des milliards de dollars dans Uber, WeWork, Twitter, Snapchat ou encore Magic Leap. Et il pourrait prochainement investir dans SpaceX, selon le site The Information. L’an passé, il est également monté au capital de Google, Microsoft, Amazon et Facebook.

Partenariat avec Softbank – Au-delà de ses investissements directs, le PIF a aussi financé une centaine de start-up par l’intermédiaire du premier Vision Fund, le gigantesque fonds lancé en 2017 par le conglomérat japonais Softbank. L’Arabie saoudite a apporté 45 milliards de dollars, sur une enveloppe totale de 92 milliards. Cette somme a grandement contribué à l’émergence des méga-levées, se chiffrant en centaines de millions de dollars. Et à l’envolée des valorisations. Le Vision Fund a connu de véritables montagnes russes: après des débuts très difficiles, il avait ensuite enregistré des profits record, porté par l’euphorie autour des valeurs tech. Avant de retomber tout aussi fortement. Au 31 décembre, sa valeur comptable affichait un gain d’à peine 10%. Un retour sur investissement très faible pour le PIF.

“Incroyablement hypocrite” – Les fonds américains n’avaient jamais révélé leurs liens avec Sanabil, se retranchant derrière leur pratique de ne pas divulguer l’origine de l’argent qu’ils investissent. Une partie des start-up n’avaient aussi jamais mentionné le fonds saoudien. L’Arabie saoudite reste un sujet délicat. Mais le pays représente une manne financière bien trop difficile à ignorer. Pour les start-up, auxquelles il offre des conditions avantageuses. Et pour les fonds qui cherchent des liquidités dans un contexte de hausse des tickets d’entrée. Si une partie des personnalités de la tech ont pris leurs distances depuis 2018, les investissements directs ou via Softbank ont perduré. “La Silicon Valley est incroyablement hypocrite en acceptant ces investissements”, dénonçait en 2018 l’investisseur Keith Rabois.

Pour aller plus loin:
– La chute spectaculaire des investissements de Softbank dans les start-up
Les levées de fonds de la French Tech s’effondrent


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