Par , publié le 4 avril 2023

La chute ne pouvait être que spectaculaire. Et elle l’a été. Au premier trimestre, les sommes levées par les start-up françaises ont plongé, selon nos décomptes, de 57%. Elles sont ainsi tombées à 2 milliards d’euros, contre 4,7 milliards l’an passé – un record. Dans le même temps, les méga-levées, supérieures à 100 millions d’euros, sont devenues très rares: seulement trois entre janvier et mars, contre douze début 2022, dont trois au-delà de 400 millions. Et les valorisations ne s’envolent plus: au cours des dix derniers mois, une seule société tricolore – la plateforme de crédit à la consommation Younited – a franchi la barre symbolique du milliard de dollars. Comme ses voisines, la French Tech est rattrapée par la morosité, précipitée par le resserrement des politiques monétaires.

Rentabilité – La baisse des levées de fonds est particulièrement visible chez les start-up les plus matures. Cela s’explique par le retrait des investisseurs étrangers très actifs depuis deux ans, comme le japonais Softbank ou l’américain Tiger Global, capables d’injecter des centaines de millions d’euros. Et par des valorisations qui ont atteint des niveaux qui ne se justifient plus. Les investissements dans les start-up qui viennent de se lancer résistent mieux. “Mais les valorisations se sont effondrées, revenant à des niveaux classiques”, souligne Aude Delépine, responsable du pôle Venture d’Eldorado, une plateforme qui aide les start-up à se financer. Dans tous les cas, “la rentabilité redevient un facteur important pour les investisseurs”, note Marianne Tordeux, directrice des affaires publiques de l’association France Digitale.

Les vitrines épargnées – “Ce n’est pas la catastrophe annoncée”, poursuit Marianne Tordeux. Si Back Market et Payfit ont récemment coupé dans leurs effectifs, les grosses start-up françaises restent en effet encore épargnées par les licenciements, qui se sont multipliés à l’étranger, en particulier aux États-Unis. Et aucune n’a officiellement mené un down round – une levée de fonds réalisée sur la base d’une valorisation inférieure à la précédente. Une partie de ces entreprises en profitent même pour mener des acquisitions à bon prix. Mais la situation de ces vitrines de la French Tech, qui ont pu récolter beaucoup d’argent avant la crise, n’est peut-être que temporaire. Elle masque surtout une réalité beaucoup plus compliquée pour les start-up qui ont un besoin immédiat de liquidités.

Financements alternatifs – Faute de pouvoir lever de l’argent, “des start-up ont recours à des conciliations pour étaler leurs créances”, explique Nima Karimi, fondateur et patron de Silvr, une start-up spécialisée dans le financement basé sur les revenus. Ces derniers mois, les dossiers provenant de sociétés jusqu’alors financées par des fonds de capital-risque se sont multipliés. “Mais certaines viennent nous voir trop tard parce qu’elles ont cru que les conditions n’étaient que temporaires et qu’elles allaient pouvoir mener une nouvelle levée de fonds”, poursuit le dirigeant. D’autres solutions existent, comme les prêts relais ou les prêts venture, pour tenir jusqu’au retour attendu des investisseurs. “Les fonds disposent de beaucoup de cash qu’ils vont devoir investir”, souligne Aude Delepine.

Pour aller plus loin:
Plus de 100.000 licenciements dans la tech en 2022
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