Par , publié le 23 mai 2023

La mésaventure aura coûté cher à Meta. Mardi, la maison mère de Facebook a officialisé la revente de Giphy à la banque de contenus Shutterstock. Montant de l’opération: seulement 53 millions de dollars. Très loin des 400 millions qu’elle avait dépensés en 2020 pour mettre la main sur la plateforme new-yorkaise de création et d’échange de GIF animés. Il faut dire que la société dirigée par Mark Zuckerberg ne se trouvait pas en position de force: l’an passé, elle avait échoué à faire invalider une décision de l’autorité de la concurrence britannique (CMA), qui lui ordonnait de se séparer de Giphy, estimant que l’opération “aurait réduit la concurrence entre les plateformes sociales”. Contraint de trouver un acheteur au plus vite, Meta n’a, en plus, pas été aidé par un contexte peu favorable aux start-up.

Rival potentiel – Pour justifier son veto, la CMA soulignait d’abord que Giphy aurait pu devenir un acteur important de la publicité sur les réseaux sociaux. Avant d’être rachetée, la start-up commercialisait en effet des GIF sponsorisés auprès d’entreprises aux États-Unis. Et elle avait pour projet d’étendre ce programme à d’autres marchés. Son acquisition aurait ainsi permis à Meta d’empêcher l’émergence d’un potentiel concurrent, qui aurait pu limiter sa position dominante dans la publicité. Le gendarme britannique notait également que Giphy est la plateforme de GIF la plus populaire. Il redoutait donc que sa librairie ne soit, à terme, plus accessible à TikTok, Snapchat ou Twitter. Ou que Meta leur impose de partager davantage de données sur leurs utilisateurs.

Une première – La revente de Giphy est historique. C’est en effet la première fois qu’un régulateur exige qu’un géant de la Silicon Valley se sépare d’une start-up qu’il vient d’acheter. Compte tenu de leur montant, ces opérations ne nécessitent généralement pas un feu vert des régulateurs. La décision de la CMA envoie un double message. D’une part, tous les rachats sont désormais susceptibles d’être retoquées, quel que soit la somme dépensée. D’autre part, les “killer acquisitions”, qui visent uniquement à mettre la main sur un potentiel rival avant qu’il ne devienne trop menaçant, seront particulièrement surveillées. C’est dans cette double optique que la Federal Trade Commission américaine avait tenté de bloquer le rachat par Meta de Within, l’éditeur d’une application de fitness en réalité virtuelle.

Effet pervers ? – Il y a encore quelques années, le rachat de Giphy n’aurait probablement suscité qu’une objection de la part des autorités de la concurrence. La plateforme de GIF n’est en effet pas un concurrent direct de Facebook. Et son rachat ne change pas vraiment les positions sur le marché. C’est cette logique qui avait permis au réseau social de mettre la main sur Instagram en 2012, puis sur WhatsApp en 2014. Des décisions qui hantent désormais les gendarmes antitrust, accusés d’avoir favorisé l’émergence d’un mastodonte. À Londres, mais aussi à Bruxelles et à Washington, les régulateurs ont donc changé d’approche. Cette nouvelle philosophie pourrait cependant présenter un effet pervers: pour certaines start-up, un rachat par l’un des géants de la tech représente le meilleur, voire le seul, exit possible.

Pour aller plus loin:
“L’année de l’efficacité” se traduit par un nouveau plan social chez Facebook
– Malgré l’opposition des autorités, Facebook finalise le rachat de Within


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