Par , publié le 19 septembre 2023

Un rayon de soleil dans la grisaille. En fin de semaine dernière, Verkor est venu égayer une rentrée bien terne pour la French Tech, après un été déjà particulièrement morose. Cette start-up spécialisée dans les batteries pour voitures électriques a levé 850 millions d’euros (une somme portée à plus de deux milliards en ajoutant les subventions de l’État et le prêt accordé par la Banque européenne d’investissement) pour financer la construction de sa première usine à Dunkerque. Une opération record en France, qui va permettre de gonfler les chiffres des levées de fonds. Mais qui ne doit pas cacher la réalité. Au premier semestre, les start-up tricolores ont recueilli deux fois moins d’argent que l’an passé: 4,2 milliards d’euros, selon les décomptes du cabinet EY.

Argent facile – Cette forte baisse trouve sa source dans le resserrement des politiques monétaires, dans un contexte de forte inflation, qui a coupé court à la période d’argent facile à laquelle s’étaient habitués les entrepreneurs. “Il y a deux ans, il y avait beaucoup de concurrence entre les fonds pour investir dans des start-up”, rappelle Franck Sebag, associé chez EY. Une compétition qui a fait, mécaniquement, grimper les valorisations. “Aujourd’hui, la main est revenue du côté des investisseurs”, poursuit-il. Conséquence: “il y a un recalibrage des multiples de valorisation”, souligne Maya Noël, directrice générale de l’association France Digitale. À dilution (la part du capital cédé aux investisseurs) égale, le montant moyen des levées a ainsi fondu de plus de moitié.

Chute des méga-levées – La baisse des levées de fonds est particulièrement visible chez les start-up les plus matures. Les tours de table supérieurs à 100 millions d’euros sont devenus très rares: à peine cinq au premier semestre, soit moins que sur le seul mois de janvier 2022. Cela s’explique d’abord par le retrait du marché français de grands fonds étrangers, comme le japonais Softbank ou l’américain Tiger Global, capables d’injecter des centaines de millions d’euros. Ensuite, ces sociétés disposent encore de suffisamment de trésorerie pour couvrir leurs pertes ou leurs investissements. Elles ne sont donc pas contraintes de mener un down round – une levée réalisée sur la base d’une valorisation inférieure à la précédente. “Les méga-levées ne repartiront que si les valorisations remontent” prédit Franck Sebag.

Tibi 2 – En France, comme ailleurs, l’incertitude demeure sur la reprise des levées, alors que les taux d’intérêt sont au plus haut depuis 20 ans. Et que les introductions en Bourse tournent toujours au ralenti – à ce titre, l’évolution d’Instacart, entrée mardi sur le Nasdaq, sera particulièrement surveillée. Les plus optimistes soulignent que le dry powder, les liquidités que les fonds doivent encore investir, affiche un niveau historiquement élevé. Des sommes qui finiront bien par être déployées. Maya Noël, elle, compte beaucoup sur la deuxième phase de l’initiative Tibi, qui doit mobiliser 7 milliards d’euros de fonds privés. “Tibi 2 a mis du temps a se lancer, ce qui a pu bloquer un certain nombre d’opérations”, note-t-elle. À plus long terme, la French Tech aura surtout besoin d’exits, encore aujourd’hui peu courants.

Pour aller plus loin:
– Entre catastrophisme et espoir, la French Tech navigue à vue
– La chute spectaculaire des investissements de Softbank dans les start-up


No Comments Yet

Comments are closed

Contactez-nous  –  Politique de confidentialité