Ce n’est pas l’acteur le plus connu, mais son histoire est probablement celle qui résume le mieux l’évolution du secteur de la location de trottinettes électriques en libre-service. Mardi, la plateforme américaine Spin a changé de main pour la troisième fois en seulement cinq ans. Cette fois-ci, elle a été rachetée par sa concurrente Bird, le pionnier et leader du marché aux États-Unis, pour un prix dérisoire: à peine 19 millions de dollars, dont seulement 10 millions en numéraire. Cette acquisition, la deuxième depuis le début de l’année pour Bird, s’inscrit dans un vaste mouvement de consolidation, précipité depuis quelques années par les difficultés financières des opérateurs, toujours en quête de rentabilité. L’allemand Tier, l’ancien propriétaire de Spin, cherche ainsi, lui aussi, un repreneur.
Rachetée par Ford – Spin a été fondée fin 2016 à San Francisco. À l’époque, la mode des trottinettes électriques en free floating (sans bornes) bat son plein, inspirée par les services de location de vélos en Chine. La start-up en profite pour mener une première levée de fonds de 8 millions de dollars. Puis, pour être rachetée pour 100 millions par Ford en 2018. Le grand constructeur automobile américain parie alors, comme beaucoup d’investisseurs, sur l’essor des micromobilités dans les centres-villes. Il promet d’investir jusqu’à 200 millions dans la start-up, mais déchante vite. Spin vivote alors jusqu’à son rachat début 2022 par Tier, qui souhaite s’implanter aux États-Unis. Le montant de cette opération n’a jamais été rendu public mais il est très probablement inférieur au précédent.
Des économies pour Tier – Quelques mois avant l’acquisition de l’opérateur américain, Tier avait conclu une levée de fonds de 200 millions de dollars pour participer à la consolidation du secteur. C’est le dernier moment d’optimisme. Depuis, tous les acteurs ont été rattrapés par la fin de l’argent facile. Et par la défiance des investisseurs, qui ont fini par perdre patience face à un modèle économique qui peine à générer des profits. Dans ce contexte, Tier a dû abandonner, comme ses rivaux, son obsession pour la croissance pour chercher à devenir rentable. La start-up allemande a licencié près d’un quart de ses employés, et aussi coupé dans les effectifs de Spin. Elle a délaissé plusieurs marchés et arrêté son activité de location de scooters électriques. La vente de Spin, qui sonne le glas de ses ambitions américaines, doit lui permettre de faire des économies supplémentaires.
Enfin rentable ? – Si la consolidation du secteur a permis de limiter la concurrence, elle n’a pas constitué un remède miracle vers la rentabilité. Car les opérateurs doivent réaliser d’importants investissements, qu’ils doivent ensuite amortir sur une durée de vie assez courte des trottinettes. Sans compter l’impact de la réglementation et les coûts liés à la recharge des batteries et à la maintenance. Pour s’en sortir, ils ont déployé des modèles plus robustes et équipés de batteries amovibles, pouvant être échangées dans les centres-villes. Lime assure avoir enregistré l’an passé ses premiers profits, mais sur une base ajustée. Et Bird a fortement réduit ses pertes au premier semestre. Sans pour autant stimuler le cours de son action, qui a fondu de 99,6% depuis son introduction en Bourse fin 2021.
Pour aller plus loin:
– Bird, le pionnier des trottinettes électriques, menacé de faillite
– Les plateformes de location de trottinettes interdites à Paris