Par , publié le 18 octobre 2023

Hasard malheureux du calendrier pour Baidu. Mardi, le moteur de recherche chinois a célébré ses dernières avancées dans le domaine de l’intelligence artificielle générative, à peine quelques heures avant l’officialisation de nouvelles sanctions américaines qui devraient grandement contrarier ses ambitions dans le domaine. Lors de sa conférence annuelle organisée à Pékin, il a dévoilé la quatrième version de son grand modèle de langage Ernie. Une IA qui “n’est inférieure en aucun point à GPT-4”, la dernière évolution du modèle sous-jacent de ChatGPT, promet son patron Robin Li, mettant en avant “une série de mises à jour importantes dans les capacités de compréhension, de génération, de raisonnement et de mémorisation”, selon des propos rapportés par le South China Morning Post.

45 millions d’utilisateurs – Ernie a été dévoilé en mars, moins de six mois après les débuts de ChatGPT. Il s’agissait alors du premier grand modèle de langage chinois. Sa première démonstration, entièrement préenregistrée, avait peu impressionné. Baidu assure depuis avoir rattrapé son retard sur le pionnier américain. En juin, il expliquait avoir dépassé les capacités de GPT-3.5. En août, la société a reçu le feu vert de Pékin pour lancer son premier robot conversationnel, baptisé Ernie Bot. Deux mois plus tard, il compte 45 millions d’utilisateurs, soit un quart de l’audience conquise par ChatGPT en presque un an. Baidu, qui cherche à se réinventer après des années marquées par un manque d’innovations, a aussi intégré son modèle à plusieurs services maison, comme son moteur de recherche et ses cartes.

130 modèles chinois – Si Baidu semble le groupe chinois le plus avancé, il n’est pas le seul à miser gros sur l’IA générative. Comme leurs homologues américains, les géants technologiques du pays multiplient en effet les annonces. Les mastodontes Alibaba et Tencent possèdent leur grand modèle de langage, qu’ils promettent, eux aussi, d’ajouter à leurs différents services. SenseTime, le très controversé spécialiste de la reconnaissance faciale, est également très actif. Et de nombreuses start-up se sont lancées sur le secteur. Malgré les restrictions d’exportation de cartes graphiques, essentielles pour entraîner et faire tourner les IA, au moins 130 grands modèles de langage ont été conçus en Chine, selon les décomptes des analystes du courtier CLSA. Seuls les États-Unis font légèrement mieux.

Respecter la censure – Toutes ces entreprises font face à une contrainte supplémentaire: “préserver les valeurs socialistes fondamentales” et ne pas alimenter la “subversion” du régime, selon les règles établies en début d’année par la très puissante administration du cyberespace chinois (CAC). Autrement dit: se soumettre à la censure. Ernie Bot prend ainsi les devants. Il ne répond pas aux questions portant sur le massacre de la place Tiananmen ou sur la répression de la minorité Ouïghours. Et il coupe rapidement court aux discussions sur le président Xi Jinping. Éviter les réponses inappropriées reste cependant un défi, car les IA génératives ne cherchent pas la meilleure réponse dans la gigantesque base de données qui les alimente. Elles la “prédisent” et peuvent donc facilement déraper.

Pour aller plus loin:
– En Chine, l’intelligence artificielle au défi de la censure
– Les coûts de l’IA menacent de freiner son adoption


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