Par , publié le 28 mai 2024

Pekin riposte (enfin) à Washington. Et dégaine un nouveau plan d’investissements, le troisième en dix ans, pour son industrie des semi-conducteurs. Celui-ci est doté d’une enveloppe de 344 milliards de yuans (44 milliards d’euros), apportée par l’État et par des entreprises, essentiellement publiques. C’est autant que le montant combiné des deux premières phases, initiées en 2014 et en 2019. Et équivalent aux Chips Act européen et américain. L’objectif de cette tranche diffère cependant des précédentes, symbole des progrès du pays mais aussi de la nouvelle réalité qu’il affronte depuis l’entrée en vigueur d’importantes sanctions américaines il y a un an et demi. La Chine souhaite désormais remonter dans la chaîne, en produisant des galettes de silicium, des gaz industriels et produits chimiques, et des machines de lithographie.

Construction d’usines – Le premier plan, lancé peu après l’arrivée au pouvoir du président Xi Jinping, s’inscrivait dans l’initiative “Made in China 2025”, visant à transformer le pays en acteur majeur dans le domaine des technologies de pointe. Le gouvernement ambitionne alors d’accroître drastiquement les capacités de production de semi-conducteurs, face à la domination de Taïwan et de la Corée du Sud, pour couvrir 70% des besoins nationaux. Une mission renforcée cinq ans plus tard, alors que les premières tensions émergent avec les États-Unis. Pékin a donc financé de nombreux projets de construction d’usines. Le fondeur SMIC, devenu le numéro trois mondial du secteur, et le spécialiste des puces mémoires Yangtze Memory en ont été les principaux bénéficiaires. Mais les objectifs initiaux n’ont pas été atteints.

Sanctions – À partir de 2020, les ambitions de Pékin se sont heurtées aux mesures prises par Washington. Les États-Unis ont d’abord sévèrement sanctionné SMIC et Huawei. Ils ont ensuite mis en place d’importantes restrictions d’exportation vers la Chine des puces les plus avancées, comme les cartes graphiques de Nvidia dédiées à l’intelligence artificielle, et des équipements permettant de les produire. L’an passé, la diplomatie américaine a même convaincu les Pays-Bas et le Japon de s’aligner sur ces sanctions. Cela signifie que les producteurs chinois ne peuvent plus se fournir auprès des principaux équipementiers, comme les américains Applied Material et Lam Research, le néerlandais ASML ou le japonais Tokyo Electron. L’impact de ces mesures sera progressif, car les usines conservent les équipements déjà achetés.

Risque majeur – Depuis 2015, l’industrie chinoise s’est développée, comme l’illustrent les derniers smartphones de Huawei qui intègrent pratiquement que des composants fabriqués par des acteurs locaux. Le groupe de Shenzhen a aussi réalisé des progrès majeurs, notamment en concevant et en produisant, avec l’aide de SMIC, un nouvel accélérateur d’IA. Mais la situation n’est pas tenable à long terme pour la Chine: sans accès aux équipements étrangers, elle risque de se retrouver exclue des avancées technologiques. Son nouveau plan d’investissements doit lui permettre de se mettre à l’abri de Washington. La tâche s’annonce cependant complexe, car les groupes nationaux partent de très loin. Par exemple, la machine de lithographie chinoise la plus avancée peut graver des puces en 28 nm, quand le taïwanais TSMC grave en 3 nm.

Pour aller plus loin:
– Les États-Unis multiplient les subventions pour relancer la production de puces
– L’Europe va investir 43 milliards d’euros dans les puces


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