Par , publié le 19 mars 2023

Dans sa longue bataille qui l’oppose aux autorités californiennes, Uber vient de remporter une importante victoire judiciaire, peut-être décisive. La semaine dernière, une Cour d’appel a en effet estimé que la plateforme n’avait pas à accorder le statut de salarié à ses chauffeurs et livreurs, qui pourront donc toujours être considérés comme des travailleurs indépendants. Une telle obligation aurait pu sévèrement remettre en cause l’équilibre économique de toutes les sociétés qui reposent sur ce modèle, en faisant exploser leurs coûts. Et elle aurait pu servir d’exemple à d’autres États américains. À la place, Uber espère imposer un statut hybride, une “troisième voie” selon ses termes, qui préserverait son fonctionnement tout en fournissant davantage de droits à ses travailleurs.

Proposition 22 – En Californie, la bataille dure depuis des années. En 2019, les parlementaires avaient adopté une loi obligeant les plateformes à embaucher leurs chauffeurs et livreurs. Après l’échec de multiples procédures judiciaires, le secteur avait obtenu un vote par référendum pour court-circuiter l’offensive des autorités. Connu sous l’appellation “proposition 22”, celui-ci portait sur l’instauration d’un nouveau cadre réglementaire, à mi-chemin entre le précédent et celui que tentaient d’imposer les élus californiens. Pour s’assurer la victoire, Uber et les autres avaient dépensé plus de 200 millions de dollars. Mais l’Etat avait immédiatement saisi la justice, estimant que ce texte, adopté à une large majorité, n’était pas constitutionnel. Un avis partagé en première instance, mais pas en appel.

Directive européenne – Malgré les critiques et les décisions de justice défavorables, Uber a tant bien que mal réussi à préserver son modèle aux États-Unis. En Europe, la situation est en revanche plus complexe. Au Royaume-Uni, la société a déjà dû faire des concessions à tous ses chauffeurs, leur accordant le statut de “travailleur”, un statut hybride prévu par la législation britannique. Surtout, elle reste menacée par un projet de directive européenne, qui prévoit d’imposer le statut de salariés à une partie des chauffeurs et des livreurs. Présenté fin 2021 par Bruxelles, le texte fait encore l’objet de négociations avec le Parlement et le Conseil européen. Plusieurs pays, comme l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, sont favorables à ces changements. Mais la France a déjà exprimé ses réserves.

“Troisième voie” – Consciente que le statu quo n’est plus possible en Europe, la société milite pour une “troisième voie” modernisant un droit du travail qu’elle juge archaïque. Et qui pourrait réconcilier les exigences de son modèle avec la nécessité de mieux protéger ses travailleurs indépendants. L’exemple californien pourrait servir d’exemple: la “proposition 22” prévoit des aides pour souscrire à une assurance maladie et un salaire minimum – mais pas pendant le temps d’attente entre deux courses. Si elle devait salarier ses chauffeurs, Uber prédit une hausse des prix allant jusqu’à 111%, moins de chauffeurs sur les routes – car l’entreprise assure que la majorité d’entre eux sont attirés par des horaires de travail flexibles, qui disparaîtraient – et donc des temps d’attente plus longs.

Pour aller plus loin:
– Chahuté en Bourse, Uber promet de réduire ses dépenses
– Bruxelles remet en cause le modèle de l’Uber-économie


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