Par , publié le 16 avril 2023

C’est une première, à la fois symbolique et inquiétante pour TikTok. Vendredi, l’État américain du Montana a adopté une loi pour interdire la très populaire application de courtes vidéos sur son territoire. Cette mesure est justifiée par les risques “d’espionnage” et de “géolocalisation en temps réel” des utilisateurs que fait peser le “contrôle” exercé par la Chine, “un adversaire des États-Unis”, sur sa maison mère chinoise ByteDance. Le texte devrait être ratifié par le gouverneur de ce petit État d’un million d’habitants, récemment survolé par un ballon de surveillance chinois. Il entrera alors en vigueur le 1er janvier 2024. Mais il devrait rapidement se heurter à deux difficultés majeures: une mise en application difficile, voire impossible, et de probables recours judiciaires.

10.000 dollars par jour – Jusqu’à présent, les interdictions décrétées aux États-Unis, au niveau local et fédéral, et en Europe, ne concernaient que les smartphones gouvernementaux. Le Montana est la première législation occidentale à élargir cette mesure à l’ensemble de la population – TikTok est déjà banni dans plusieurs pays, notamment en Inde depuis 2020. Concrètement, le texte demande à la plateforme de bloquer toute utilisation au sein des frontières de l’Etat. Et à Apple et Google de bloquer le téléchargement de l’application depuis leur boutique. Dans une première version, il faisait aussi peser cette obligation sur les opérateurs mobiles. La loi prévoit une amende de 10.000 dollars par jour, soit 3,65 millions par an. En revanche, aucune sanction n’est prévue pour les adeptes de TikTok.

“Impossible” à appliquer – La mise en application de cette loi reste très incertaine. Au cours d’une audition parlementaire, un représentant de TechNet, un lobby qui regroupe des géants tech, dont Apple et Google, a assuré qu’une telle interdiction était “impossible” à mettre en place. Les amendes sont, elles aussi, hypothétiques: des exceptions sont en effet prévues quand il n’est pas possible de savoir “raisonnablement” si une infraction a lieu. En outre, le texte sera très certainement attaqué devant la justice américaine, notamment parce qu’il pourrait représenter une violation de la liberté d’expression. En 2020, les décrets de bannissement signés par Donald Trump avaient été invalidés pour cette raison. Les autorités locales se disent prêtes à aller jusque devant la Cour suprême des États-Unis.

Vers une vente forcée ? – Malgré ces limitations, le Montana pourrait servir d’exemple à d’autres États américains. Mais la véritable menace est ailleurs pour TikTok: son avenir se joue davantage à Washington, où une proposition de loi vise à donner de nouvelles prérogatives à la Maison blanche, l’autorisant à bannir des technologies étrangères jugées dangereuses pour la sécurité nationale. L’administration Biden pourrait s’en servir pour imposer une vente des activités américaines, à condition toutefois de trouver un acheteur capable de signer un chèque estimé à 50 milliards de dollars, sans susciter l’inquiétude des autorités de la concurrence. La société espère toujours éviter un tel scénario, proposant notamment d’héberger les données des utilisateurs américains dans le cloud d’Oracle. Sans convaincre.

Pour aller plus loin:
TikTok, une arme d’influence pour Pékin ?
– Comment TikTok espère rassurer Bruxelles


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