Par , publié le 14 juin 2023

La mesure serait inédite en Europe. Et représenterait une escalade dans la lutte contre la domination des géants du numérique. Mardi, la Commission européenne s’est prononcée pour le démantèlement de la machine publicitaire de Google, accusant le moteur de recherche d’abus de position dominante sur le marché de la publicité en ligne. “Nous ne voyons aucune alternative”, a souligné Margrethe Vestager, la commissaire à la concurrence, en présentant les conclusions de l’enquête lancée en 2021. Bruxelles estime en effet, “de manière préliminaire”, que des mesures correctives, qui accompagnent habituellement les amendes, ne mettront pas un terme à “une situation de conflits d’intérêts”. Google risque aussi une lourde sanction financière, pouvant atteindre 10% de son chiffre d’affaires.

Publicité programmatique – L’affaire porte sur le rôle de Google dans la publicité programmatique, qui s’est imposée ces dernières années comme le modèle dominant sur Internet. Il s’agit d’un système d’enchères aussi opaque que complexe, qui permet de placer automatiquement des annonces et bannières sur les sites partenaires. Le groupe de Mountain View y joue à la fois le rôle de vendeur, d’acheteur et de plateforme d’échanges. Encore plus problématique, selon Bruxelles, il contrôle les outils les plus populaires à chaque étape du processus: le serveur publicitaire DFP utilisé par les éditeurs pour gérer leurs espaces publicitaires, les outils d’achat Google Ads et DV 360 utilisés par les annonceurs pour planifier leurs campagnes et la bourse d’enchères en temps réel AdX.

“Autopréférence” – Selon la Commission européenne, cette machine bien huilée, bâtie notamment grâce à plusieurs acquisitions, surtout celle de la régie DoubleClick en 2007 pour 3,1 milliards de dollars, permet à Google d’agir de manière anticoncurrentielle. Elle lui reproche en particulier des “pratiques d’autopréférence”, par l’intermédiaire d’échanges d’informations en temps réel entre ses différents outils publicitaires, leur permettant d’ajuster leurs offres pour battre leurs concurrents. Celles-ci auraient ainsi permis à AdX de renforcer sa position dominante face à ses rivales, tout en permettant à Google de “facturer des frais élevés pour son service”. Ces pratiques étaient aussi au cœur de l’amende de 220 millions d’euros infligée par l’autorité française de la concurrence en 2021.

Remedes inefficaces – Pour remédier à cette situation, la Commission estime que Google devra se séparer d’une partie de ses technologies publicitaires. Par exemple, DFP et AdX, selon Margrethe Vestager. La société pourra offrir des concessions, comme elle l’a fait en début d’année aux États-Unis, où elle a proposé de placer ses outils dans des filiales indépendantes pour mettre un terme à une procédure judiciaire lancée par le gendarme de la concurrence – une offre immédiatement rejetée. Bruxelles déjà infligé plus de 8 milliards d’euros d’amende à Google, déjà condamné à trois reprises pour abus de position dominante. Un démantèlement forcé constituerait un changement de stratégie. Et aussi un aveu d’échec, alors que les mesures correctives que l’Europe a imposées sont jugées inefficaces.

Pour aller plus loin:
– L’Europe enquête sur le pacte secret entre Google et Facebook
– Dix-neuf “très grandes” plateformes seront soumises au DSA européen


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