Par , publié le 28 juin 2023

C’est une histoire qui en rappelle beaucoup d’autres. Et qui illustre une nouvelle fois le manque de surveillance au sein des start-up et la confiance aveugle accordée à leurs dirigeants. Mardi soir, le réseau social IRL a définitivement fermé ses portes, deux ans seulement après s’être félicité d’avoir atteint le statut de licorne. Et quelques mois après le lancement d’une enquête interne, qui a conclu que 95% des utilisateurs revendiqués étaient en réalité “automatisés ou issus de bots”, rapporte le site spécialisé The Information. “Sur la base de ces constatations, une majorité des actionnaires ont conclu que les perspectives futures de l’entreprise ne sont pas viables”, justifie une porte-parole de la start-up américaine, qui promet désormais de redistribuer aux actionnaires l’argent restant dans les caisses.

“WeChat de l’Occident” – De manière assez ironique, IRL signifie “in real life”, “dans la vraie vie” en français. Lancée en 2016, elle se présentait d’abord comme une plateforme de découverte et de partage d’événements physiques. Mais l’épidémie de coronavirus l’a contrainte à changer de modèle, pivotant davantage vers des fonctionnalités communautaires. Dans sa dernière version, l’application ressemblait ainsi à des groupes Facebook repensés pour les jeunes générations, leur permettant de discuter de leurs centres d’intérêt. En 2021, la start-up parvient à séduire le conglomérat japonais Softbank, qui mène une levée de fonds de 170 millions de dollars. IRL dépasse alors la barre symbolique du milliard de valorisation. Et son patron Abraham Shafi assure vouloir bâtir le “WeChat de l’Occident”.

Doutes en interne – À l’époque, le dirigeant revendique 12 millions d’utilisateurs actifs mensuels, essentiellement des adolescents américains. Puis, 20 millions un an plus tard. Dans des documents présentés à ses investisseurs, la société californienne assure également que près de deux tiers des inscrits utilisent encore le service au bout de deux ans – un chiffre extrêmement élevé pour le secteur. Très vite pourtant, les premiers doutes commencent à circuler en interne sur la véracité de ces données. Le cabinet Sensor Tower estime alors que le nombre d’utilisateurs se situe seulement entre un et deux millions de personnes. Fin 2022, la Securities & Exchange Commission, le gendarme financier américain, déclenche une enquête. Mais ni Softbank, ni le conseil d’administration ne prennent des mesures.

Pas de poursuites judiciaires ? – Leur réaction n’intervient qu’en avril 2023, soit environ un an après les premiers articles de presse sur le sujet. Elle est déclenchée par une plainte déposée par un employé, accusant IRL de l’avoir licencié de manière abusive pour avoir exprimé ses doutes sur le nombre d’utilisateurs. Dès le lendemain, Abraham Shafi est débarqué de son poste. Et un audit interne est enfin lancé. Les résultats confirment le recours massif aux bots. Mais incluent aussi “d’autres découvertes”, explique la porte-parole d’IRL, sans donner davantage de détails. Malgré les investigations de la SEC, Abraham Shafi pourrait bien échapper à des poursuites judiciaires pour fraude, car il n’existe pas de méthodologie légale pour déterminer le nombre d’utilisateurs actifs.

Pour aller plus loin:
– La fondatrice de la start-up Frank poursuivie pour fraude
– Onze ans de prison pour Elizabeth Holmes, la fondatrice de Theranos


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