Par , publié le 6 septembre 2023

Face aux restrictions d’exportation mises en place par Washington, le dernier smartphone haut de gamme de Huawei n’est pas seulement une avancée technologique majeure pour la Chine. C’est aussi une victoire symbolique pour le pays, engagé dans une coûteuse course-poursuite pour sortir de sa dépendance aux puces étrangères les plus avancées. Lancé en toute discrétion fin août, sans communiqué de presse ni fiche technique, le Mate 60 Pro semble être le premier smartphone 5G développé par la marque depuis l’entrée en vigueur de lourdes sanctions américaines il y a trois ans. Selon les premières conclusions du cabinet TechInsights, qui fait référence dans le secteur, le terminal est aussi équipé d’un système sur puce (SoC) gravé en 7 nm par le groupe chinois SMIC – une première.

Liste noire – Accusé d’espionnage au profit de Pékin, Huawei a été placé en septembre 2020 sur une liste noire par les États-Unis, lui interdisant, sauf dérogation, toute relation commerciale avec les fournisseurs américains. Mais aussi avec les groupes étrangers qui utilisent des technologies américaines. Huawei ne peut ainsi plus équiper ses smartphones du système Android, acheter des puces 5G à Qualcomm ou commander certains composants chez le taïwanais TSMC et même chez SMIC. Alors qu’elle venait de ravir la première place du marché à Samsung, la marque a vu ses ventes s’effondrer – tombant quasiment à zéro hors de Chine. Depuis, le groupe de Shenzhen s’est lancé dans une diversification de son activité, tout en cherchant des alternatives aux puces étrangères.

Spéculations – Sur le papier, cette mission semblait impossible, tant les spécialistes chinois des semi-conducteurs comptent des années de retard. Et encore plus depuis l’élargissement des sanctions américaines l’an passé, limitant l’exportation de certains équipements permettant de fabriquer des puces avancées. Beaucoup de spéculations entourent donc “l’exploit” réalisé par SMIC, en collaboration avec HiSilicon, la branche de Huawei spécialisée dans le design des puces. Certains observateurs se demandent si le fabricant a réussi à mettre la main sur un système de lithographie par rayonnement ultraviolet extrême (EUV) du néerlandais ASML, avec lequel sont généralement réalisées les gravures sous les 7 nm. Mais dont l’exportation vers la Chine est interdite depuis des années.

Failles dans les sanctions – Plus probablement, SMIC a utilisé une machine moins sophistiquée, couplée aux dernières avancées de HiSilicon dans le domaine des outils logiciels nécessaires à la conception. Dans tous les cas de figure, ce SoC 5G “made in China” démontre les failles des sanctions américaines. Et peut permettre à Pékin d’espérer que ses efforts portent leurs fruits plus rapidement que prévu. Dans les faits cependant, le trou à combler reste important. Les puces gravées en 7 nm affichent en effet plusieurs générations de retard sur les derniers modèles – le SoC des prochains iPhone devrait être gravé en 3 nm par TSMC. Par ailleurs, les capacités de production semblent encore limitées: le Mate 60 Pro s’est rapidement retrouvé en rupture de stock. Et les coûts de production pourraient être bien plus élevés.

Pour aller plus loin:
– Meng Wanzhou prend la tête d’un Huawei redevenu ambitieux, mais toujours menacé
– En sanctionnant Micron, la Chine riposte aux mesures américaines


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