Par , publié le 14 décembre 2023

La menace pesait depuis deux ans sur Uber, Deliveroo et toutes les autres sociétés dont le modèle repose sur le recours à des travailleurs indépendants. Elle s’est concrétisée mercredi à Bruxelles. Au terme de négociations tripartites, l’Union européenne a en effet trouvé un accord pour réglementer les conditions de travail dans le secteur. La mesure phare du texte, dont tous les détails n’ont pas encore été rendus publics, prévoit d’accorder le statut de salarié aux chauffeurs et aux livreurs, leur garantissant ainsi de bénéficier d’un salaire minimum, de congés payés et d’une protection sociale. Jusqu’à 5,5 millions de personnes, sur un total de 28 millions, pourraient être concernées par ces nouvelles règles, selon les estimations de la Commission. Le coût pour l’Uber-économie pourrait atteindre 4,5 milliards d’euros par an.

Niveau de rémunération – La directive doit encore être définitivement adoptée par le Conseil et le Parlement. Les pays membres de l’Union européenne auront ensuite deux ans pour la transposer dans leur droit national. Le texte prévoit que les travailleurs seront “présumés” employés si deux critères sur cinq sont remplis. Par exemple, si la plateforme fixe le niveau de leur rémunération, supervise leur travail ou ne leur permet pas de choisir leurs horaires. Dans ce cas de figure, ils bénéficieront de tous les avantages prévus par la législation du pays. Les Vingt-Sept souhaitent aussi protéger les chauffeurs et les livreurs contre l’utilisation abusive de certaines données personnelles et d’algorithmes, notamment pour décider d’une fermeture de leur compte. Une supervision humaine sera désormais obligatoire.

Modèle économique – Le recours aux travailleurs indépendants a été popularisé par Uber, avec sa plateforme de voitures avec chauffeur. Ce modèle a depuis été répliqué sur de nombreux secteurs d’activité, de la livraison de repas aux tâches ménagères. Cette économie des petits boulots repose sur une main-d’œuvre bon marché – rémunérée à la tâche sans aucune garantie de revenus ni avantages sociaux –, abondante et flexible. Toutes les entreprises assurent que leur modèle économique ne peut pas fonctionner autrement: salarier leurs travailleurs se traduirait par une hausse des coûts et par un manque de souplesse dans leurs activités, nécessaire pour pouvoir absorber des pics d’activité. Elles prédisent ainsi des prix plus élevés, des temps d’attente plus longs ou encore des fermetures de service dans les petites villes.

“Troisième voie” – Depuis deux ans, l’Uber-économie a mené une intense campagne de lobbying – elle ne désespère toujours pas de convaincre des gouvernements de faire capoter le projet de directive. Ses dirigeants ont notamment mis en avant l’exemple d’une loi similaire en Espagne, qui avait conduit Deliveroo à quitter le pays. Ou encore les difficultés financières de Just Eat, qui avait fait le choix de salarier ses livreurs, avant de faire en partie marche arrière. À la place, ils militaient pour une “troisième voie” proposée par Uber: un statut hybride, capable de réconcilier la nécessité de préserver le modèle économique avec celle de mieux protéger les chauffeurs et livreurs. Un statut que l’entreprise américaine a dû accepter au Royaume-Uni. Mais leurs arguments n’ont pas été entendus par les dirigeants européens.

Pour aller plus loin:
– Comment Uber est enfin devenu rentable
– Just Eat renonce de plus en plus à salarier ses livreurs


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