Par , publié le 19 décembre 2023

Ce n’était qu’une question de temps. Lundi, la Commission européenne a officiellement lancé une enquête formelle contre X dans le cadre du Digital Services Act (DSA), qui impose depuis fin août de nouvelles obligations en matière de modération aux grandes plateformes Internet. Si cette décision semblait inéluctable, après des mois de tensions entre les responsables du continent et Elon Musk, propriétaire de l’ancien Twitter, elle a été précipitée par la guerre provoquée par l’attaque du Hamas en Israël. Le conflit a en effet entraîné un bond de la désinformation et des contenus antisémites ou islamophobes. En octobre, Bruxelles avait déjà demandé des comptes à X, mais aussi à Meta, la maison mère de Facebook et d’Instagram, TikTok et YouTube. Les réponses fournies par le réseau social n’ont visiblement pas convaincu.

Quatre axes – L’enquête européenne porte sur quatre points précis. La Commission va étudier les outils mis en place par X pour supprimer les messages illégaux, une obligation désormais dans le cadre du DSA. Elle va aussi se pencher sur le système de “notes de la communauté”, mis en place pour lutter contre la désinformation. Les deux autres axes d’investigation ne sont pas liés aux événements récents. Le premier concerne les obligations de transparence instaurées par la nouvelle législation, à savoir l’ouverture de la plateforme aux chercheurs et une bibliothèque regroupant l’ensemble des publicités diffusées en Europe. Le second porte sur la mise en place de dark patterns (interfaces trompeuses) pour pousser les utilisateurs à souscrire aux abonnements payants. Une pratique dorénavant interdite.

Modération allégée – Depuis son rachat par Elon Musk pour 44 milliards de dollars en octobre 2022, X a fortement allégé sa politique de modération. Par choix idéologique, le milliardaire se présentant comme le défenseur de la liberté d’expression qu’il estime menacée. Mais aussi par volonté de réduire les coûts: les équipes de modération, internes et externes, ont été décimées, particulièrement en dehors des États-Unis. La société a également déclaré une amnistie générale sur les comptes bannis par la précédente direction, notamment pour avoir diffuser des contenus haineux et de fausses informations. Face à la désinformation, X ne se repose plus sur des équipes de fact-checking mais uniquement sur les “notes de la communauté”, présentes sous les messages jugés mensongers par les utilisateurs.

Amende puis interdiction ? – Depuis plusieurs mois, les responsables européens multiplient les avertissements, redoutant que ce modèle ne soit trop limité pour être véritablement efficace, faute d’un nombre suffisant de volontaires pour certaines langues. Ce qui pourrait rendre X vulnérable à des campagnes d’influence étrangères, en particulier russes, en amont d’élections. Au-delà des moyens humains, les deux camps s’affrontent sur la conception de la liberté d’expression, encadrée en Europe mais pas aux États-Unis. Elon Musk a ainsi donné des consignes pour ne pas supprimer les messages haineux, mais seulement pour limiter leur portée. X risque une amende pouvant aller jusqu’à 6% de son chiffre d’affaires, soit près de 200 millions d’euros. Avant une éventuelle (et plus improbable) interdiction ?

Pour aller plus loin:
– De nombreux annonceurs boycottent à nouveau X
– Meta lance Threads, son rival de X, en Europe


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