Par , publié le 8 avril 2024

C’est un petit jeu d’écritures comptables qui en dit cependant beaucoup sur l’immensité du projet dans lequel s’est lancé Intel. Le géant américain des semi-conducteurs vient de séparer, dans ses comptes, ses nouvelles activités de fonderie, lancées il y a trois ans, qui affichent une perte abyssale de 7 milliards de dollars en 2023. Une décision qui lui permet de regrouper quasiment l’intégralité de ses investissements massifs dans une seule division, faisant apparaître des profits plus importants pour ses autres branches, qui commercialisent ses processeurs équipant les ordinateurs ou les data centers. Une décision qui doit aussi, espèrent ses dirigeants, permettre de mieux mettre en avant les progrès financiers attendus de cette activité, dans l’espoir de redonner un coup de fouet à un cours boursier en berne.

Retard technologique – Pour comprendre la situation actuelle, il faut remonter trois ans en arrière, avec la nomination de Pat Gelsinger à la tête d’Intel. Sa mission: relancer une entreprise en perte de vitesse, supplantée par l’architecture Arm dans les puces pour smartphones. Et dépassée technologiquement pour ne pas avoir cru au potentiel d’une nouvelle technique, la lithographie par rayonnement ultraviolet extrême (EUV en anglais), mise au point par le néerlandais ASML. Le groupe de Santa Clara a ainsi pris un énorme retard sur les gravures les plus fines, perfectionnées par TSMC, qui fabrique les composants les plus avancés. Il a aussi perdu de gros clients, qui conçoivent désormais leurs propres puces, dont ils sous-traitent la production au fondeur taïwanais. C’est le cas notamment d’Apple pour ses ordinateurs Mac.

Modèle fabless – Au-delà, c’est le modèle intégré d’Intel, de la conception à la production, qui est remis en cause. Celui-ci a été supplanté par le modèle de sous-traitance dit “fabless”, c’est-à-dire sans usine, qui permet de générer des volumes très élevés pour rentabiliser les immenses investissements nécessaires à la fabrication des semi-conducteurs les plus avancés. À peine nommé, Pat Gelsinger a opté pour un changement radical. La société est désormais divisée en deux. D’un côté la conception des produits, de l’autre la production. La première branche devient ainsi une cliente de la seconde. Et elle est libre de faire graver ses puces où elle le souhaite, même chez les concurrents. Aujourd’hui, un tiers des processeurs d’Intel sont ainsi fabriqués par TSMC. Surtout, la division fonderie peut produire des puces conçues par d’autres d’entreprises.

Contrat avec Microsoft – Cette nouvelle activité reste encore petite: moins d’un milliard de dollars de chiffre d’affaires l’an passé – sans compter les commandes de la division produits d’Intel. Mais la société assure que son carnet de commandes se chiffre à 15 milliards. En février, elle a signé un premier contrat d’envergure avec Microsoft, pour fabriquer ses puces dédiées à l’intelligence artificielle générative. Pour rivaliser avec TSMC, elle prévoit d’investir plus de 100 milliards de dollars afin de bâtir de nouvelles usines aux États-Unis et en Allemagne. Et elle mise sur un nouveau processus de gravure, qui doit être lancé d’ici à la fin de l’année, notamment grâce à la dernière machine EUV d’ASML, qu’elle va être la première à exploiter. Intel promet ainsi une montée en puissance de ses ventes à partir de 2026.

Pour aller plus loin:
– Nvidia ambitionne de concurrencer Intel sur le marché des CPU
– Intel plombé par le plongeon historique du marché du PC


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