Près de quatre ans après avoir saisi la Commission européenne, Spotify perd patience. Mercredi, le leader suédois du streaming musical a réclamé des “mesures rapides et décisives” contre les “pratiques anticoncurrentielles et injustes” d’Apple. “L’Union européenne a l’opportunité de montrer l’exemple”, souligne-t-il dans un courrier adressé à Margrethe Vestager, la commissaire à la concurrence. Cette lettre est cosignée par son rival français Deezer, par le développeur de la messagerie sécurisée ProtonMail ou encore par l’organisation France Digitale, en conflit avec le groupe à la pomme depuis des années. Spotify remet notamment en cause les commissions prélevées par Apple sur chaque abonnement souscrit depuis un iPhone ou un iPad, qui fausseraient la concurrence.
Rivalité – Pendant longtemps pourtant, le groupe suédois a accepté de verser ces commissions (30% la première année, 15% ensuite). Il répercutait alors le surcoût sur ses prix, plus élevés sur son application iOS qu’ailleurs. La situation s’est envenimée avec le lancement d’Apple Music en 2015. Non seulement le géant américain est ainsi devenu son principal rival sur le marché du streaming payant, mais il dispose également d’un avantage compétitif car il n’a pas à payer de commissions sur les abonnements. Depuis, Spotify ne permet plus à ses utilisateurs de souscrire à son offre Premium depuis un iPhone ou un iPad. Mais, autre restriction imposée par Apple, le service ne peut pas les renvoyer vers son site Internet, ni même leur dire de s’y rendre pour s’abonner.
Nouvel affrontement – Fin 2022, le conflit entre les deux sociétés s’est étendu aux livres audio, un marché qui devrait enregistrer une forte croissance ces prochaines années. Pour diversifier son activité, Spotify a lancé son catalogue l’an passé, optant comme Apple pour le modèle de vente à l’unité. Mais ses ambitions se heurtent aux règles de son rival, qui oblige tous les développeurs à utiliser son système de paiement. Et donc à lui verser des commissions de 30% sur chaque achat réalisé depuis leurs applications. Des conditions rejetées par la plateforme de streaming, qui dénonce une distorsion de concurrence. Spotify avait trouvé une parade, mais celle-ci n’a pas été approuvée par Apple. Sur iOS, ses utilisateurs ne peuvent ainsi qu’écouter les livres audio, pas les acheter directement.
Pas encore de sanction – Le streaming musical et les livres audio sont au centre de la procédure ouverte il y a deux ans et demi par Bruxelles. L’an passé, la Commission européenne avait estimé, à titre préliminaire, qu’Apple “a faussé la concurrence sur le marché de la diffusion de musique en abusant de sa position dominante sur la distribution d’applications”. Elle lui reproche les deux pratiques dénoncées par Spotify: l’obligation d’utiliser son système de paiement et l’interdiction de renvoyer les utilisateurs vers d’autres méthodes d’achat. Depuis, aucune sanction officielle, ni demande de correction, n’ont été infligées par les équipes de Margrethe Vestager. À partir de mai, le nouveau Digital Markets Act européen pourrait en revanche faire bouger les lignes.
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