Par , publié le 21 mai 2023

Placée en redressement judiciaire début mai, la filiale française de Getir envisage de tailler massivement dans ses effectifs. Environ 900 emplois sont menacés, sur un total estimé à 1.800 par les syndicats. Un plan social qui vise à “assurer la pérennité” de ses opérations de livraison ultrarapide de courses. Pour expliquer ses difficultés en France, la start-up turque avance un “environnement contextuel défavorable”, citant l’inflation ou le niveau des loyers. Et aussi la possibilité pour les municipalités d’encadrer l’implantation des dark stores, ces magasins fantômes utilisés pour préparer les commandes. Mais Getir est surtout rattrapée par la réalité économique: malgré une impressionnante phase de consolidation, le secteur perd toujours beaucoup d’argent et n’attire plus les investisseurs.

1,8 milliard de dollars – Fondée en 2015, Getir (apporter en turc) a profité de la crise sanitaire pour partir à la conquête de l’Europe. Elle espérait alors surfer sur de nouvelles habitudes de consommation pour bousculer l’immense marché des courses alimentaires, sur lequel la part des ventes en ligne reste très faible. En deux ans, elle lève ainsi 1,8 milliard de dollars auprès de fonds de capital-risque. Et sa valorisation atteint 12 milliards, soit quasiment autant que Carrefour. La start-up dépense énormément pour déployer très rapidement son offre sur de nombreux marchés. Sur un secteur très concurrentiel, elle doit aussi multiplier les promotions et les dépenses marketing. En quelques mois, plusieurs milliards de dollars sont ainsi engloutis par une dizaine d’acteurs, lancés dans une course effrénée à la croissance.

Consolidation – Mais le resserrement des politiques monétaires, qui sonne la fin de l’argent facile, précipite le secteur dans une zone de turbulences. Dans l’incapacité de lever des fonds, les start-up enchaînent les plans sociaux – 4.500 licenciements par exemple chez Getir. Ces difficultés accélèrent la consolidation du secteur. La société turque y participe activement, d’abord en rachetant l’espagnole Blok et la britannique Weezy. Puis, la plateforme de livraison de repas française Frichti. Et enfin sa rivale allemande Gorillas, autre poids lourd du marché en Europe. Selon le Financial Times, Getir négocie également le rachat de Flink, ce qui lui permettrait de se retrouver en position de quasi-monopole sur le continent, alors que l’américaine GoPuff a grandement revu ses ambitions à la baisse.

Modèle économique – Cette phase de consolidation devait permettre aux acteurs restants de se rapprocher de l’équilibre. Mais les problèmes du secteur sont plus profonds, comme le montre la situation de Getir en France. C’est la pertinence du modèle économique qui est en cause. La distribution alimentaire génère en effet des marges très faibles. Certes, ces plateformes ne possèdent pas de magasins, leur préférant de petits entrepôts urbains. Mais elles doivent rémunérer des livreurs, qu’elles ont majoritairement choisis, pour des raisons d’image notamment, de salarier. Le coût de la livraison pèse d’autant plus sur les marges que le panier moyen n’est pas très élevé, car ces services remplacent davantage les épiceries de quartier que les supermarchés en raison d’un inventaire peu fourni.

Pour aller plus loin:
– La start-up de livraison Gorillas rachetée par Getir
– En quête de rentabilité, Deliveroo coupe dans ses effectifs


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