Par , publié le 30 avril 2024

C’est un symbole, un de plus, du spectaculaire déclin de la livraison ultrarapide de courses. Lundi, la start-up turque Getir, de loin la plus puissante en Europe, a annoncé l’arrêt de ses activités sur les derniers marchés internationaux où elle était encore présente. En proie à d’importantes difficultés financières, elle préfère concentrer ses efforts sur son marché national, sur lequel elle anticipe “le plus important potentiel de croissance pérenne à long terme”. Exit donc le Royaume-Uni, l’Allemagne et les Pays-Bas. Fini aussi les grandes ambitions américaines – même si la plateforme FreshDirect, rachetée il y a moins de cinq mois et elle aussi déficitaire, restera opérationnelle… pour le moment du moins. L’an passé, Getir avait déjà quitté plusieurs pays, dont la France, citant notamment de nouvelles réglementations.

Course à la croissance – Fondée en 2015, Getir (apporter en turc) a profité de la crise sanitaire pour partir à la conquête de l’Europe. La société espérait alors surfer sur de nouvelles habitudes de consommation pour bousculer l’immense marché des courses alimentaires, sur lequel la part des ventes en ligne reste très faible. En deux ans, elle lève 1,8 milliard de dollars auprès de fonds de capital-risque. Et sa valorisation atteint 12 milliards, quasiment autant que Carrefour. La start-up dépense alors énormément pour déployer très rapidement son offre sur de nombreux marchés. Sur un secteur très concurrentiel, elle doit aussi multiplier les promotions et les dépenses marketing. En quelques mois, plusieurs milliards de dollars sont ainsi engloutis par une dizaine d’acteurs, lancés dans une course effrénée à la croissance.

Consolidation – Mais le resserrement des politiques monétaires, qui sonne la fin de l’argent facile, précipite le secteur dans une zone de turbulences. Dans l’incapacité de lever des fonds, les start-up enchaînent les plans sociaux. Getir licencie ainsi 4.500 personnes en 2022. Et 2.500 l’année suivante. Ces difficultés accélèrent la consolidation du secteur. La société turque y participe activement, d’abord en rachetant l’espagnole Blok et la britannique Weezy. Puis, la française Frichti. Et enfin l’allemande Gorillas, autre poids lourd en Europe. Mais les pertes continuent de s’accumuler: jusqu’à 50 millions d’euros par mois fin 2023, selon l’agence Bloomberg. En septembre, Getir avait assuré sa survie en levant 500 millions de dollars supplémentaires, mais en acceptant aussi de diviser sa valorisation par près de cinq.

Modèle économique – Certes, cette phase de consolidation a permis de réduire la concurrence – même si Getir devait encore affronter Uber et Deliveroo, qui utilisent un modèle différent. Mais les problèmes du secteur sont plus profonds. C’est la pertinence du modèle économique qui est en cause. La distribution alimentaire génère en effet des marges très faibles. Certes, ces plateformes ne possèdent pas de magasins, leur préférant de petits entrepôts urbains. Mais elles doivent rémunérer des livreurs, qu’elles ont majoritairement choisis, pour des raisons d’image notamment, de salarier. Le coût de la livraison pèse d’autant plus sur les marges que le panier moyen n’est pas très élevé, car ces services remplacent davantage les épiceries de quartier que les supermarchés en raison d’un inventaire peu fourni.

Pour aller plus loin:
Clap de fin pour la livraison ultrarapide de courses en France
– En quête de rentabilité, Deliveroo coupe dans ses effectifs


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