Par , publié le 23 juin 2023

Il y a deux ans, une dizaine de start-up de livraison ultrarapide de courses s’affrontaient dans les rues parisiennes. Dans quelques semaines, il n’en restera très probablement plus aucune. Mercredi, la start-up turque Getir, également propriétaire des marques Gorillas et Frichti, a officialisé son départ du marché français le 31 juillet. Si elle assure chercher un repreneur de “tout ou partie du groupe en France”, il semble cependant peu probable qu’elle y parvienne. Début juin, sa rivale allemande Flink, l’autre rescapée du secteur, avait aussi annoncé la fermeture de ses activités dans le pays. Les deux sociétés, dont les filiales françaises ont été placées en redressement judiciaire, justifient leur décision par l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi sur l’implantation de leurs entrepôts.

Consolidation – Fondée en 2015, Getir (apporter en turc) a profité de la crise sanitaire pour partir à la conquête de l’Europe. Dans son sillage, de nombreuses start-up se lancent alors sur ce marché. Toutes espèrent surfer sur de nouvelles habitudes de consommation pour bousculer l’immense marché des courses alimentaires, sur lequel la part des ventes en ligne reste très faible. Le potentiel attire les investisseurs: en deux ans, Getir lève 1,8 milliard de dollars auprès de fonds de capital-risque. Et Flink 1,2 milliard. Mais le resserrement des politiques monétaires, qui sonne la fin de l’argent facile, précipite le secteur dans une zone de turbulences. Les plans sociaux s’enchaînent et la consolidation s’accélère sur le continent autour de Getir et Flink, qui avait notamment mis la main sur l’acteur français Cajoo.

Dark stores – En France, les deux plateformes restaient les derniers acteurs spécialisés encore présents – à côté d’Uber et de Deliveroo, qui utilisent un modèle différent. Elles n’ont cependant pas pu trouver le bon équilibre économique, accumulant de lourdes pertes. Et la réglementation sur les dark stores menaçait de renforcer leurs difficultés. Le texte permet en effet aux municipalités d’encadrer la localisation de ces entrepôts urbains qui ressemblent à de petits supermarchés mais qui n’accueillent aucun client. Jusqu’à présent situés au cœur des villes, au plus près des clients, pour pouvoir livrer en 10 ou 20 minutes, ils auraient pu être déplacés en périphérie. Une situation qui se serait traduite par une hausse des coûts car les livreurs auraient mis plus de temps à arriver à destination.

Modèle économique – “Les réglementations imposées par les administrations locales ont rendu la réussite de l’entreprise très difficile”, assure ainsi un responsable de Getir, interrogé par l’AFP. Mais la législation française n’est en réalité qu’un élément. Les problèmes du secteur sont plus profonds. C’est la pertinence même du modèle économique qui est en cause. La distribution alimentaire génère en effet des marges très faibles. Et si ces plateformes ne possèdent pas de magasins, elles doivent rémunérer des livreurs, qu’elles ont choisi de salarier, pour des raisons d’image. Le coût de la livraison pèse d’autant plus sur les marges que le panier moyen n’est pas très élevé, car ces services remplacent davantage les épiceries de quartier en raison d’un inventaire peu fourni.

Pour aller plus loin:
– Face à la réglementation sur les dark stores, le Flink délaisse le marché français
– En quête de rentabilité, Deliveroo coupe dans ses effectifs


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